La Kénose de Jésus-Christ


Numa Recolin (extrait du livre)

He left His Father’s throne above
So free, so infinite His grace,
Emptied Himself of all but love,
And bled for Adam’s helpless race:
Tis mercy all, immense and free,
For O my God, it found out me!
Charles Wesley (1738)

Note ThéoTex

« S’étant vidé de tout, excepté l’amour… », 

Ce beau vers d’un cantique de Charles Wesley enrichit trois cents ans plus tard notre réflexion chrétienne d’une double pensée, que son auteur n’a probablement jamais soupçonnée. Premièrement, il montre que la kénose de Jésus-Christ n’a pas attendu le 19e siècle pour habiter la conscience de l’Eglise : la kénose c’est ce mot biblique, tiré de l’épître aux Philippiens (2: 7.), qui exprime le fait que le Fils éternel de Dieu a un jour, au cours de l’histoire du salut, quitté son état divin, pour revêtir l’état humain et venir nous sauver. Il est vrai que ce mot a été surtout employé lors de la controverse sur la pré-existence de Jésus-Christ, alors fortement contestée par la théologie libérale du 19e ; cependant ces deux questions distinctes, celle de l’existence éternelle du Fils et celle de son dépouillement volontaire, furent à tort amalgamées.

Deuxièmement, le cantique de Wesley attire notre attention sur une vérité de première importance, à savoir que la doctrine de la kénose de Jésus-Christ ne tire pas sa valeur d’une quelconque spéculation intellectuelle, mais des effets spirituels et émotifs qu’elle exerce sur l’âme du croyant. En effet, un hymne chrétien n’ambitionne aucunement la rigueur d’un théorème théologique, mais il vise à élever l’esprit des auditeurs. Or c’est précisément là la position de l’apôtre Paul lorsqu’il écrit aux Philippiens : il n’explicite pas comment le Fils de Dieu a pu se vider, se dépouiller, tout en restant Dieu, mais il le propose comme exemple d’abnégation à imiter.
De quel prix serait cet exemple, si en s’incarnant le Fils ne s’était pas réellement dépouillé de ses attributs divins? Il serait nul ! Il inciterait au contraire les Philippiens à se considérer supérieurs par nature, à leurs frères. Comprenons ici tout le ridicule qui voudrait faire de la kénose une question intellectuelle compliquée. L’essence de la personnalité divine ne pouvant jamais être accessible à notre intellect, elle ne peut être comprise ; dès lors il est inepte de la qualifier de compliquée. 
 
Voici par exemple ce qu’écrivait M. Gétaz, ancien protestant converti au catholicisme, et adversaire de la kénose : « Les kénotistes attendaient beaucoup de leur doctrine ; elle leur semblait faire place aux revendications nouvelles au sujet de l’humanité du Christ en permettant de conserver sa divinité essentielle. Il n’en a rien été. Leur théorie est aujourd’hui universellement abandonnée… » Ce critique croit bon d’adopter, en parlant de la kénose, le ton d’un physicien qui commenterait les mérites ou les démérites de tel modèle mathématique de l’atome. Peut-on imaginer rien de plus sottement prétentieux ? Comme si la théologie était à l’évidence une science expérimentale, susceptible de progresser selon que la réalité des faits viendrait à infirmer ou à confirmer ses théories ! Comme si la question de concilier la pleine humanité de Jésus-Christ avec sa pleine divinité avait jamais été un problème nouveau, surgi dernièrement dans l’histoire de la pensée chrétienne, et que de brillants cerveaux travailleraient à résoudre depuis ! 
 
Les vérités spirituelles révélées dans l’Écriture ne sont pas principalement de nature métaphysique (mot presque vide de sens), mais relationnelle. En quoi la doctrine de la kénose modifie-t-elle mon rapport à Jésus-Christ ? En ceci, que le tableau du Fils se faisant pauvre pour moi, de riche qu’il était, revêtant une chair faible comme la mienne, se rendant vulnérable et mortel, au point d’être cloué sur la croix par la main de ses ennemis, ne peut manquer de bouleverser mon âme. « J’ai fait cela pour toi ; que feras-tu pour moi ? » semblait dire au comte de Zinzendorf une peinture du Christ mis en croix. Que puis-je faire en effet pour le Dieu Très-Haut qui habite une lumière inaccessible que nul homme ne peut voir ; je peux seulement l’adorer avec toute la crainte respectueuse que la créature doit à son Créateur. Mais si par un prodige inconcevable il s’abaisse vers moi, jusqu’à daigner devenir mon frère, alors l’occasion de l’aimer d’un amour sacrificiel m’est offerte, à mon tour je veux donner ma vie pour Lui. Et si Christ n’est plus sur terre dans la chair, son Église l’est encore ; je peux dire avec Paul : « j’achève de souffrir en ma chair le reste des afflictions de Christ pour son corps, qui est l’Église ». On le voit, la conscience de la kénose affecte profondément notre perception de la personne du Sauveur. Il est donc légitime de demander si cette doctrine est majoritairement reçue dans le sentiment évangélique ou si elle n’est qu’une subtilité connue et discutée des seuls théologiens. En cela, le cantique de Wesley ne fait que confirmer de manière tacite, et sans prononcer le mot de kénose, que l’Église a toujours compris le dépouillement du Fils au moment de l’incarnation, comme un réel sacrifice de sa condition divine et non comme une simple occultation de ses attributs. On peut d’ailleurs relever, dans l’histoire de l’Église, que dès qu’une dynamique chrétienne se caractérise par le christocentrisme, la vraie humanité de Jésus est mise en lumière en même temps que sa vraie divinité
 
Déjà au 19e siècle, on pouvait lire dans la revue Le Chrétien Évangélique, que la doctrine de la kénose, qui venait alors d’être explicitement formulée à l’occasion du débat sur la divinité de Jésus-Christ, était acceptée par une majorité de pasteurs évangéliques. Ce débat étant aujourd’hui clos, bien moins de chrétiens évangéliques s’intéressent à la question kénotique. Néanmoins, elle suscite toujours quelques belligérants ; discuter des arguments et des objections ne peut être l’objet d’une simple note, mais il est intéressant de signaler ici leur origine et leurs motivations. Les détracteurs de la kénose sont en général issus du milieu réformé. Elle les heurte parce qu’elle contrarie leur conception philosophique d’un Dieu immuable et impassible : si le Fils de Dieu abandonne en s’incarnant ses attributs divins, il s’opère donc un changement au sein de la Trinité ; changement qu’ils ne peuvent admettre. Cependant la vraie conception biblique de l’essence divine n’emprunte rien à la philosophie grecque ; elle se résume dans les affirmations scripturaires : Dieu est esprit, Dieu est amour. Dieu est donc libre de changer de forme, de revêtir l’état humain, si son amour l’exige. 
 
Dans le petit monde évangélique français on rencontre également une critique plutôt singulière de la kénose, par opposition à un commentateur particulier : Frédéric Godet. Ce dernier n’a en réalité que très peu écrit sur la kénose, quelques articles dans des revues évangéliques, pour exposer les vues de son ami Gess, principal initiateur du renouveau de cette conception christologique. Godet est largement plus connu pour la qualité de ses commentaires bibliques, toujours considérés comme des références un siècle et demi plus tard. Et cependant les anti-kénotistes français n’ont dédié aucun de leurs efforts à réfuter la kénose selon Gess, mais ils parlent toujours de la kénose selon Godet. Comment expliquer cette partialité ? Sans doute le fait que Godet bouscule sans ménagement la conception calviniste de la prédestination dans son commentaire sur l’Épître aux Romains, ne lui pas été pardonné ; Godet est un penseur indépendant qui ne fait pas acception de personnes ; la liberté à l’égard des traditions irrite toujours certaines bigoteries. 

Il en est résulté à propos de Godet des jugements à l’emporte-pièce, répétés par parti-pris, et sans réflexion : « Godet plus exégète que théologien… » Comme si le fondement de toute vraie théologie biblique n’était pas l’exégèse ! « Godet promouvant la négation de la divinité de Christ par sa conception de l’humanité de Jésus… » Comme s’il ne se trouvait pas plus de théologiens libéraux dans le camp réformé, que dans celui du protestantisme évangélique, dont Godet est un représentant ! Il n’en fallait pas plus pour répandre des rumeurs ignorantes et injustifiées. Ainsi on peut lire dans un cours baptiste contemporain : « Le dépouillement de Christ consiste donc à renoncer volontairement et librement à ses droits et privilèges divins mais non à sa nature divine, comme le prétend F. Godet avec les partisans de la Kénose ». C’est là visiblement la remarque de quelqu’un qui n’a jamais lu le commentaire de Godet sur L’Évangile selon Jean, ou sa conférence sur la divinité de Jésus-Christ. La kénose défendue par Godet ne consiste pas dans le renoncement du Fils à sa personne divine, puisque la personnalité ne peut pas par principe se répudier, mais dans l’abandon volontaire de ses attributs divins : toute-présence, toute-science, toute-puissance. 
 
Dans sa première épître à Timothée, Paul définit le grand mystère de la piété comme étant Dieu manifesté en chair ; voilà en effet le trait distinctif et exclusif du christianisme, par opposition à toute autre religion ou philosophie : l’union de Dieu avec l’homme, et non leur séparation. En créant l’homme à son image Dieu visait plus qu’une simple ressemblance, il avait déjà dans sa pensée l’union future, éternelle et irréversible des deux familles, humaine et divine. Jésus-Christ, dans son incarnation, sa mort sur la croix, sa résurrection et son ascension, a réalisé ce désir divin. Le dogme des deux natures en Christ, divine et humaine, coexistantes mais séparées, semble quant à lui s’arrêter à mi-chemin, et laisser le plan inachevé. La kénose de Jésus-Christ, qui n’est pas une théorie arbitraire, mais une notion appuyée sur la révélation biblique, nous replace devant l’impénétrable et merveilleux mystère de l’amour de Dieu pour nous.


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Commentaires

  1. Ce lien internet vous intéressera peut-être :

    http://larevuereformee.net/articlerr/n256

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  2. Pour Anonyme,

    Un pseudonommé "Scarron" avait répondu sur Blogdei aux affirmations erronnées de cette thèse de David Martorana. Je copie-colle sa réponse ici :

    Pour résumer très sommairement, Frédéric Godet est un protestant du 19° siècle que l’on classe aujourd’hui sans hésitation parmi les évangéliques, parce qu’au moment de la crise libérale du protestantisme, principalement provoquée par la théologie allemande, Frédéric Godet a été, dans les pays de langue française, le principal chef de file de la défense de l’orthodoxie biblique. C’est à dire : l’affirmation de la divinité de Jésus-Christ, de la réalité de ses miracles, de sa résurrection, de la nécessité du salut, de l’inspiration de la Bible, etc. bref les articles de foi qui permettent encore de nos jours de faire une distinction entre théologie évangélique et théologie libérale. Il faut d’ailleurs remarquer qu’à son époque l’adjectif évangélique était utilisé dans ce sens, de maintien des croyances traditionnelles, et non dans le sens moderne d’appartenance à une mouvance qui n’existait pas alors, en tant que telle.

    Ceci dit, par quel étrange paradoxe arrive-t-il, un siècle plus tard, qu’on puisse lire sur internet : Frédéric Godet soutenait des doctrines « non-évangéliques » ? Non-réformées, non-calvinistes, non-lutheriennes, pourrait encore s’examiner ; mais frustrer de l’adjectif évangélique un exégète internationalement et historiquement connu pour ses prises de position en faveur des vérités évangéliques, c’est pour le moins surprenant ; et on est tenté de demander à celui qui se le permet quelle place il occupe lui-même dans l’histoire de l’Église pour décider qui il faut appeler évangélique ou pas.

    En fait la critique protestante à l’encontre de Godet n’a pas attendu l’internet. Elle fut bien entendu très virulente dans son siècle, au moment des grandes joutes par conférences et articles de revues interposés ; mais elle fait encore quelques vagues après sa mort, comme si le protestantisme ne lui avait pas pardonné quelque chose. Il faut savoir qu’un lieu particulier a focalisé en France l’opposition à Godet : Boulevard Arago, à Paris, le fief d’Auguste Sabatier, tête du mouvement libéral. Dans les rayons poussiéreux de sa bibliothèque, on trouvera une thèse : « LA DOCTRINE DE LA KÉNOSE CHEZ GODET ET GRETILLAT » 1951 ; c’est cette question de la kénose que l’on ressort aujourd’hui contre Godet, la chose n’a rien de nouveau, comme on voit. (Gretillat était un « disciple de Godet »)

    (à suivre...)

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  3. (suite...)

    De quoi s’agit-il ? Il n’est pas possible en quelques lignes de faire justice au sujet, mais on peut résumer l’essentiel. La kénose est un mot biblique dérivé du verbe en Philippiens 2.7 par lequel Paul nous enseigne que le Fils éternel de Dieu s’est dépouillé lui-même, pour se rendre semblables à nous, et nous sauver. Doctrine très biblique et très évangélique s’il en fût. Godet tout au long de son existence a longuement médité la parfaite humanité et la parfaite divinité de Jésus, et la difficulté intellectuelle qu’il y a à imaginer les deux en même temps. Le seul élément de réponse qu’il trouve, c’est ce verset de Philippiens, et cette révélation de la kénose, ce dépouillement volontaire de Jésus, lui qui de riche s’est fait pauvre, pour nous. Godet n’a évidemment rien découvert, l’idée de la kénose a toujours existé dans la conscience de l’Église, tout simplement parce qu’elle prend son origine dans l’Écriture. Mais particulièrement au 18° et 19°, quand on se posait le plus de questions sur la nature de Jésus-Christ (ce qu’on appelle la christologie), on a cherché alors à formuler plus précisément la kénose. Là encore Godet n’a pas été un inventeur, d’autres ont réfléchi avant lui (notamment Gess un de ses amis).

    Que lui reprochent ses détracteurs ? D’avoir dépouillé Jésus de ses attributs divins… Comme si ce n’était pas ce qu’enseigne l’incarnation tout entière ! et de quoi Jésus se serait dépouillé s’il n’avait rien abandonné ? Un fils de roi qui quitte son palais et ses habits somptueux pour se mêler au bas-peuple, ne cesse pas pour autant d’être fils de roi ; mais si sous ses guenilles il cache un pourpoint tissé d’or et d’argent, pourquoi dire encore qu’il s’est dépouillé ? Jésus n’a pas vécu une incarnation de simulacre, son esprit de sacrifice a été constant et complet.

    Et qu’opposent les détracteurs au mot évangélique de kénose ? Tenez-vous bien : l’assomption, mot éminemment catholique ! (M. Gétaz, un d’entre eux, est d’ailleurs un ancien protestant devenu père dominicain). D’après eux, non Jésus ne s’est pas dépouillé de ses attributs divins, mais il a tiré la nature humaine vers le haut, comme Marie vers le Ciel sans doute ! Les disputes de mots sont sans fin et plutôt que d’y tomber, j’attirerai plutôt l’attention sur la question de loyauté dans cette critique faite à Godet.

    Si c’est bien la « Doctrine de la kénose » qu’on a voulu critiquer, pourquoi dans ce cas n’avoir pas intitulé ce travail : La kénose chez Gess ou la kénose chez Thomasius, ou chez Delitzcsh, ou chez Kahnis etc… tous antérieurs à Godet, et qui en ont plus parlé que lui. La réponse est évidente : personne, hors les théologiens, n’a jamais entendu parler de ces gens, tandis que les commentaires de Godet se trouvent dans toutes les librairies bibliques.

    Voilà donc la preuve que c’est la personne qu’on vise, et non la question en soi de la kénose. Que si on avoue : c’est parce que c’est la kénose telle qu’en a parlé Godet qui s’est répandu chez les évangéliques, il faut aller plus loin et demander pourquoi les évangéliques admettent la kénose. Tout simplement parce qu’elle est biblique ! Le temps peut couler, les commentaires de Godet continueront tout autant à nourrir des générations d’évangéliques, tandis que les thèses du boulevard Arago et autres auront depuis longtemps épuisé leur but : un diplôme en théologie. Et l’internet ne fera qu’accentuer cette différence, car d’autant plus de gens pourront juger sur pièces. Aux US ou en Chine on lit le commentaire de Godet sur Jean. Gétaz ? connaît pas.
    S’il ne s’agissait que de la réaction épidermique d’un électron libre du net, comme il y en a tant, parce qu’on a égratigné son maître à penser, il aura perdu son temps. Mais c’est plus que cela, il s’agit de penser au Maître, c’est ça la christologie.

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  4. (suite et fin...)

    Ce Jésus qui est né dans une étable, qui a appris à marcher, à parler, à lire ; qui a grandi, qui a travaillé de ses mains ; qui a été fatigué, qui a souffert, qui a pleuré, qui est tombé sur le chemin de croix, qui est réellement mort, on veut me le prendre pour mettre à la place un être fantomatique, qui ferait seulement semblant de sympathiser avec nous, n’accomplissant aucun réel sacrifice, mais se complaisant intérieurement dans des considérations théologiques sur l’assomption de la nature humaine. Eh bien non, je ne laisserai pas un pitoyable terrorisme de mots de thésards me dépouiller de mon Sauveur, dont j’aurais pu, si j’avais vécu au temps des disciples croiser le regard et saisir la main, sans être foudroyé, bien qu’il soit le Dieu Éternel. Et je n’ai pas besoin de réponse à ma sortie, car je la connais déjà : Vous n’avez pas compris… Je dis que je vois bien au contraire où on veut en venir, et que c’est vous, qui parlez d’assomption, qui n’avez pas compris le Fils, et sa subordination au Père.

    Scarron.

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  5. Heu... Désolé de vous en informer aussi tard (+ de 2 ans après), mais visiblement M. Scarron n'a pas lu l'ouvrage mentionné dans le lien... Ni vous d'ailleurs.
    Pouvez-vous argumenter en quoi il s'agit d'une thèse erronée ??
    Qu'avez-vous lu de Monsieur Godet et du mémoire de maitrise de M. Martorana ?

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    1. @ Cher « anonyme »,

      A la suite de votre question j'ai essayé de reprendre contact avec « Scarron », mais apparemment il ne désire pas recommencer le débat. Il me semble d'ailleurs qu'il a suffisamment développé dans la citation que j'en ai donné ci-dessus.

      De mon côté, même si je n'ai ni son bagage théologique, ni ses capacités intellectuelles, j'ai relus la thèse de Martorama et je l'ai trouvée toujours aussi froide et « mécaniste » dans sa façon de considérer l'incarnation. C'est il me semble une des ornières dans lesquelles on risque de tomber lorsqu'on utilise les arguments « légistes » de Calvin pour parler de la vie et des sentiments du Sauveur du monde. Or précisément, c'est des sentiments qui habitaient le Christ que l'apôtre Paul nous parle dans ce Texte de Philippiens 2 et je constate que les thèses de théologie ont beaucoup de difficulté avec l'utilisation et la maîtrise des sentiments dans leurs développements intellectuels. Ce qui ne veut pas dire que les sentiments soient absents de leurs argumentaires ! Mais ils sont alors dirigés pour, ou contre, des humains. Dans la thèse de Martorama, (qui comme le rappelait Scarron est largement puisée dans la thèse de François Escande : « La doctrine de la Kénose chez Godet et Gretillat » 1951), je constate une tentative de pousser au delà du réel les prises de position de Godet, allant jusqu'à l'accuser de diminuer la Divinité du Christ en exagérant son humanité. On ne va pas refaire ici les débats concernant la place de l'humanité et de la divinité dans l'incarnation du Sauveur du monde qui ont déchirés les 4 premiers siècles de l'histoire de l’Église, mais on semble dans le même genre de querelles de personnes non avouées, et pourtant bien présentes entre les lignes.

      Mon sentiment est qu'il nous faudrait être très prudent et très humbles lorsque nous cherchons à sonder la Réalité Divine. Car la Divinité n'est pas un matériau d'analyse qu'on pourrait poser sur une table ou fragmenter dans des éprouvettes pour en extraire des inventions théologiques ou pratiques, mais il est question ici de s'approcher de la Source de la vie et de l'ordre, de l'origine de nos existences, aussi bien au niveau biologique que sentimental ou spirituel. Et il n'est pas concevable de s'approcher de cette Source de la même manière qu'Il nous permet de le faire pour les éléments de sa Création.

      Il me semble qu'il est profondément erroné, et même dangereux, de prendre prétexte de la Divinité pour en faire le sujet de débats contradictoires. Toute l’Écriture nous enseigne que la Vie éternelle consiste à connaître intimement Celui « qui nous donne la vie le mouvement et l'être » de façon à l'aimer en conséquence. Et les joutes oratoires entre egos mal crucifiés à la recherche de l’approbation d'un public d'initiés n'entrent pas dans ce processus salvateur puisqu'elles ne pourront que l'entraver. Apprenons d'abord à rencontrer la Vérité et à vivre dans son intimité avant de chercher à l'expliquer aux autres...

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